Point de grand sommet.
Point d'océan déchaîné.
Point de gigantisme, de superlatif, d'extraordinaire.
Règnent ici calme, paix et oserais-je le dire, une volupté toute de douceur faite...
L'offrande d'un ordinaire sublimé par la lumière diffuse.
Tout s'offre au regard de qui sait s'émerveiller.
Pas besoin de voyager au bout du monde, de rechercher des terres vierges, des îles lointaines, exotiques...
C'est le regard qui fait le voyage.
Insensiblement la lumière l'attire comme un papillon...
Avec la lumière c'est l'ombre qui prend naissance et donne le volume et le graphisme des lignes. Le lointain est déjà présent dans les plans successifs qui se devinent: l'exotisme est à nos portes avec ces "estampes japonaises" tant prisées par les artistes de l’École de Nancy comme les frères Müller de Lunéville, ou dans ces "ombres chinoises"...
C'est le regard qui ouvre vers le lointain.
Tout est sérénité à qui sait accueillir le présent dans ce qu'il offre.
Éloge d'un bonheur simple.
Éloge de la gratuité.
Éloge de la beauté.
Et puisque, exotisme il y a, je laisse François Cheng conclure:
"Derrière les yeux, le mystère
D’où infiniment advient la beauté"
François Cheng, Le Long d’un amour, Paris, Arfuyen, 2003 , p. 173.
« La beauté du visage vient d’une lumière qui sourd de la profondeur de l’être » ou « de l’extérieur […] qui l’éclaire » et nous ramène à la « la vraie perception-création » de l’univers « au travers d’un corps-à-corps et d’un esprit-à-esprit »
Cinq Méditations sur la beauté, Paris, Albin Michel, 2006 p. 136.
« Lune, étoile, brise, nuage, source, onde, colline, vallée, perle, jade, fleur, fruit, rossignol, colombe, gazelle, panthère, telle courbe, tel méandre, telle sinuosité, telle anfractuosité, autant de signes d’un mystère sans fond »
Cinq Méditations sur la beauté, Paris, Albin Michel, 2006 , p. 147 et 62.
Qu'il me soit ici permis de rajouter ce poème d'Aloysius Bertrand qu'on m'a suggéré et qui est tiré de Gaspard de la nuit:
Écoute ! - Écoute ! - C'est moi, c'est Ondine qui
frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta
fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ;
et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui
contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau
lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant,
chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais,
et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le
triangle du feu, de la terre et de l'air.
Écoute ! - Écoute ! - Mon père bat l'eau coassante d'une branche d'aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénu- phars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! " *
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son
anneau à mon doigt pour être l'époux d'une Ondine, et
de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisse- lèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
A la poésie se marie la musique... ici Ondine de Ravel par Arsenii Mun:
Et puisque ces photos inspirent certains, j'ajouterai aussi ces quelques vers de Verlaine:
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée ...
Ô bien-aimée.
L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure ...
Rêvons, c'est l'heure.
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise ...
C'est l'heure exquise.