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PROMENADE BLANCHE


"L’écrasement de la neige sous les bottes Les branches cassées sur le chemin Le cliquetis régulier de quelques gouttes s’échappant des stalactites de glace Des flocons perdus aux quatre vents tombent des arbres aplatis" Elodie Santos,Promenade blanche de vieille France, 2008 quelques mots qui savent dire la poésie toute simple qui enveloppe ces étangs gelés et ces arbres tout saupoudrés de givre immaculé.

Un autre poète peut-être saurait décrire à merveille ce que mon cœur peut ressentir lorsque l'âme vagabonde au bord de ces rives, dans ces sous-bois longeant les prés. Ce poète, c'est Chateaubriand. Aujourd'hui oublié sur les bancs de l'école, il sait dire à travers ses vers la beauté des lieux et ce, quelque soit la saison:

"Vallée au nord, onduleuse prairie,

Déserts charmants, mon cœur, formé pour vous,

Toujours vous cherche en sa mélancolie.

A ton aspect, solitude chérie,

Je ne sais quoi de profond et de doux

Vient s’emparer de mon âme attendrie.

Si l’on savait le calme qu’un ruisseau

En tous mes sens porte avec son murmure,

Ce calme heureux que j’ai, sur la verdure,

Goûté cent fois seul au pied d’un coteau,

Les froids amants du froid séjour des villes

Rechercheraient ces voluptés faciles.[...]

De mon esprit ainsi l’enchantement

Naît et s’accroît pendant tout un feuillage.[...]

J’erre aux forêts où pendent les frimas :

Interrompu par le bruit de la feuille

Que lentement je traîne sous mes pas,

Dans ses pensers mon esprit se recueille.[...]

François-René de Chateaubriand, Tableaux de la nature, Le Printemps, l’Eté et l’Hiver

Le photographe, comme le poète essaie de se mettre à l'écoute. Écoute du monde qui l'entoure et écoute de son cœur qui lui parle comme en résonance. Il cherche la symbiose parfaite, il écrit sa partition, il crée sa propre musique.Selon les mouvements de son âme, la photo se fera noire et blanche, pastel, floue...

mais plus beau qu'un extrait, il faut lire l'intégrale:

"Vallée au nord, onduleuse prairie, Déserts charmants, mon cœur, formé pour vous, Toujours vous cherche en sa mélancolie. A ton aspect, solitude chérie, Je ne sais quoi de profond et de doux Vient s’emparer de mon âme attendrie. Si l’on savait le calme qu’un ruisseau En tous mes sens porte avec son murmure, Ce calme heureux que j’ai, sur la verdure, Goûté cent fois seul au pied d’un coteau, Les froids amants du froid séjour des villes Rechercheraient ces voluptés faciles. Si le printemps les champs vient émailler, Dans un coin frais de ce vallon paisible, Je lis assis sous le rameux noyer, Au rude tronc, au feuillage flexible. Du rossignol le suave soupir Enchaîne alors mon oreille captive, Et dans un songe au-dessus du plaisir Laisse flotter mon âme fugitive. Au fond d’un bois quand l’été va durant, Est-il une onde aimable et sinueuse Qui, dans son cours, lente et voluptueuse, A chaque fleur s’arrête en soupirant ? Cent fois au bord de cette onde infidèle J’irai dormir sous le coudre odorant, Et disputer de paresse avec elle. Sous le saule nourri de ta fraîcheur amie, Fleuve témoin de mes soupirs, Dans ces prés émaillés, au doux bruit des zéphyrs, Ton passage offre ici l’image de la vie. En des vallons déserts, au sortir de ces fleurs, Tu conduis tes ondes errantes : Ainsi nos heures inconstantes Passent des plaisirs aux douleurs. Mais si voluptueux, du moins dans notre course, Du printemps nous allons jouir, Nos jours plus doucement s’éloignent de leur source, Emportant avec eux un tendre souvenir : Ainsi tu vas moins triste au rocher solitaire, Vers ces bois où tu fais toujours, Si de ces prés ton heureux cours Entraîne quelque fleur légère. De mon esprit ainsi l’enchantement Naît et s’accroît pendant tout un feuillage. L’aquilon vient, et l’on voit tristement L’arbre isolé sur le coteau sauvage Se balancer au milieu de l’orage. De blancs oiseaux en troupes partagés Quittent les bords de l’Océan antique : Tous en silence à la file rangés Fendent l’azur d’un ciel mélancolique. J’erre aux forêts où pendent les frimas : Interrompu par le bruit de la feuille Que lentement je traîne sous mes pas, Dans ses pensers mon esprit se recueille. Qui le croirait ? plaisirs solacieux, Je vous retrouve en ce grand deuil des cieux : L’habit de veuve embellit la nature. Il est un charme à des bois sans parure : Ces prés riants entourés d’aunes verts, Où l’onde molle énerve la pensée, Où sur les fleurs l’âme rêve bercée Aux doux accords du feuillage et des airs, Ces prés riants que l’aquilon moissonne, Plaisent aux cœurs. Vers la terre courbés Nous imitons, ou flétris ou tombés,

L’herbe en hiver et la feuille en automne."

François-René de Chateaubriand, Tableaux de la nature, Le Printemps, l’Eté et l’Hiver

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